Vendredi 26 avril 2013: article Revue Pyrénéenne mars 2013 "Le Bacanère à l'heure de la Sibérie"





LE BACANERE A L'HEURE DE LA SIBERIE

                                 

Texte et photos par Jean-philippe Albressac

 

L’anticyclone, bien calé sur la Sibérie, se fait un plaisir de nous envoyer son air froid afin d’affronter l’air océanique. Cette vague polaire affiche un record dans le nord-est de la Bulgarie jamais égalé depuis 100 ans :-38° à Tran. Le Danube est pris partiellement par les glaces sur 350km tandis que les canards grelottent en se gelant les pattes sur la Lac Léman.

Sur les hauteurs, le ressenti annoncé n’est pas de bonne augure pour les petits cafistes citadins que nous sommes. Mais il en fallait un peu plus pour nous décourager. Nous jetons notre dévolu sur le Pic de Bacanère, la neige s’étant posée à basse altitude. Nous ne serons pas les seuls à avoir la même idée. A Gouaux de Luchon, nous retrouvons  Jean et Laurent avec une dizaine de personnes voulant en découdre avec le sommet. Petit à petit, les deux collectives s’espacent et nous profitons de la trace pour rallier la cabane de Salode, perchée à 1549m, sur les coups de midi. Les concasseurs gastriques tournent à vide et la flambée allumée par un randonneur solitaire sera la bienvenue. Cuisinant un cassoulet, ce dernier en quête de tranquillité n’aura pas choisi son jour car la discrétion de notre assemblée est loin d’être son fort !

Une heure plus tard, attifés d' une couche supplémentaire de vêtements, nous reprenons la  tranchée  menant à la cabane du Mouscadé par la croupe face au Burat. Celle-ci est  marquée par la première séance  « labourage en folie » du groupe nous précédant. Comme a dit Jean dans son compte rendu et à juste raison, la suite vers la cime ne sera pas à retenir dans les annales hormis le fait d’être un très bon exercice d’orientation, notamment à la descente. Une brève éclaircie nous laisse entrevoir une ancienne borne frontière avant que le blizzard ne reprenne de la vigueur.

Vers 14h30, 5 mètres sous le pic, la pente apparaît avec une apparence bleutée blafarde, mais il est trop tard pour chausser les crampons surtout que le panorama n’invite guère à la contemplation tant il est bouché.

En des temps plus cléments, le « Baca-Nera »,signifiant la vache noire, accueille un grand nombre de têtes de bétail en quête de prélassement sur ces estives tant convoitées de part leur exposition.

En attendant, elles coincent « la bulle »dans le foin tandis que nos narines se collent à chaque inspiration. Le froid connait son  apogée avec ses fameuses températures  ressenties, laquelle obligeraient rapidement un manchot à s’équiper de « chaufferettes » sous ses doigts palmés, histoire de ne pas rester scotché à la banquise. Les équinoxes seraient-ils modifiés ?

Henry Russel dira lors de sa troisième ascension du Vignemale en hiver :

« On ne pourrait guère survivre à certains ouragans qui se déchaînent pendant l’hiver sur les monta­gnes.
Mais de même qu’en Russie et dans les mers polaires, le milieu de l’hiver est une saison de calme et de beau temps à de grandes altitudes. L’air se repose alors. Il n’y a que deux saisons ou il soit bien risqué de faire des ascensions : c’est au printemps, ou pire encore, à la fin de l’automne. C’est là par excellence l’époque des avalanches et des tour-mentes. C’est plus mortel que les cyclones de l’Inde, car le froid est intense, et sur des pentes mêmes modérées, cinquante hectares de neige peuvent partir à la fois, quand le soleil de mars a commencé à l’amollir. Rien ne résiste à de telles cataractes, puisqu’elles emportent même des rochers, et des forêts entières.
Dans les rafales de neige qui passent sur les montagnes aux équino­xes de Mars et de Septembre, il est presqu’impossible de respirer, d’ouvrir les yeux, ou de rester debout, et je fus renversé par le vent au mois de Mars 1863, avec un Irlandais d’une force herculéenne et plu-sieurs guides, sur le col de Gourzy, qui n’atteint cependant que la mo­deste hauteur de 1.830 mètres
! »

Après avoir retrouvés la visibilité vers 1800m, la débauche de virages est totale dans une « peuf »

digne des grands espaces canadiens. Sa légèreté nous chagrine le museau et, c’est avec regret que nous apercevons déjà les toits de Gouaux et ceci, malgré l’absence de sous couche. Les pâtures s’apparentent à une véritable piste bleue sans l’ombre d’un caillou...agrémentées de quelques passages sous les barbelés dans le plus pur style commando.

De retour à la civilisation, au supermarché local, les 1250m de dénivelé s'en ressentent car le chariot de victuailles croule sous la surcharge pondérale au point d'entamer le carrelage. La caissière n’en revient pas : « vous n’êtes qu’une dizaine à table ??? » Les voitures sont même obligées de remettre les chaînes pour atteindre le gîte d'Artigue où Jeff et Philippe ont pris possession des lieux.

En arrivant, une inquiétude s'exprime devant les deux malheureuses plaques électriques disponibles. Mais les ressources en bois frisent l'opulence et pour la première fois, nous préparerons la "carbonara" sur le feu de cheminée non sans avoir, auparavant, goûtés aux divers breuvages aromatisés comme il se doit.

En ce dimanche matin, les flocons volètent toujours laissant la route d'accès au village vierge de toutes traces. Le chasse neige doit avoir fort à faire sur les axes principaux. Du coup, un changement s'impose car il n'est point question de poser les roues au col du Portillon, initialement prévu. Une rapide étude de la carte laisse entrevoir la seule possibilité envisageable:la cabane de Saunères et, si les conditions de vent le permettent, le Pla de Montmajou à 1947m. Il y a pire comme départ...avec 50cm de fraîche à tracer. Un pur plaisir tant c'est léger!

A l'approche de la masure, Eole se renforce annihilant tout espoir de progression au dessus. Pour aujourd'hui, malgré l'étroitesse de notre toit, la sagesse nous invite à se restaurer au coin de l'âtre et à regagner paisiblement les pentes en lisière de forêt afin d'amorcer le festival de gavage. La doucette sensation de flotter dans cet élément est omniprésente et ce n'est pas les grands écarts faciaux qui diront l'inverse: 450m d'euphorie!!!

Merci à tous en l'occurrence : Sylvie,Loic,Régis,Gilles,Flavie,Thierry,Aurélie.D,Aurélie.B,Damien,Michèle,Nicolas,Julien et chapeau à Flavie venue rejoindre Gilles depuis Paris pour ce WE avec une carte découverte en poche.

 
Sortie réalisée durant le WE du 4 et  5 février 2012 encadrée par moi-même et Gérard Gomez
pour le CAF Toulouse.

 Infos pratiques :
Accès :
De Toulouse, prendre la direction de Montréjeau et Bagnères-de-Luchon puis tourner à gauche vers Gouaux de Luchon
A noter que, lors de la traversée du village, avec la route enneigée, et à la demande des locaux, il est préférable de ne pas la suivre skis aux pieds.
Hébergement :
Nombreux gîtes autour de Bagnères-de-Luchon
Topo:
-"Randonnées à skis dans le Luchonnais" de Raymond Ratio aux éditions Héraclès
-"Ski de randonnée Pyrénées Centrales " de Pierre Satgé (guide de haute montagne et ancien du PGHM de Luchon) aux éditions Cité 4
Secours :
PGHM de Bagnères de Luchon : (33)(0)5 61 89 31 31
Cartes :
IGN 1848 OT-Top 25 au 1/25 000e
Biographie :
Souvenirs d’un Montagnard – Vol.1,
Henry Russel, ultime édition 1908 réédité en 2009 par les éditions Monhélios
Lien Vidéo de Gilles Favier, auteur de ce petit film:
http://youtu.be/zaPDdbcnX0Y


Commentaires

  1. Bonjour Jean-Philippe,

    je découvre ce blog et m'émerveille de tes activités. Bravo! Amitiés

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